![]() En décembre 2016, le Pôle est parti au Bénin pour donner une formation à des entrepreneurs culturels et créatifs. Le dernier soir, avant de prendre notre avion afin de retourner dans nos foyers respectifs, nous échangeons avec Tiamiou Akponné (l'initiateur de notre venue) autours d’une dernière Béninoise - une des bières locales - et un délicieux poisson frit, sur notre collaboration et ces deux semaines passées ensemble… Tiamiou Akponné, diplômé en Coopération et Gestion culturelle internationales de l’Université de Barcelone (Espagne) et d’un Ph.D en Gestion de l’Environnement, Santé et Développement, place l’entrepreneuriat au cœur de sa vision pour le développement de l’Afrique. C'est pourquoi il a décidé de créer un Institut de formation, l’ISPE-Déclic afin de former les jeunes et les professionnels à l’entrepreneuriat dans différents secteurs d’activités (la culture, l’agriculture et l’environnement). Dans ce cadre, il a fait appel au Pôle Entrepreneuriat Culturel et Créatif en décembre 2016, afin de proposer une offre de formation qui s’appuie sur notre expertise. Olivia Commune, Xavier Chantepy et Géraldine Dallaire ont partagé avec des entrepreneurs culturels et créatifs locaux afin de les soutenir dans la création ou le développement de leur activité. Cela a été également une formidable rencontre avec la culture béninoise… Géraldine : Tiamiou, je sais que ce projet a été un grand défi pour toi à monter ce projet. Peu de gens croyait en l’entrepreneuriat culturel ici et tu n’as pas eu l’ensemble des financements que tu souhaitais. Mais malgré tous ces obstacles, tu tenais à réaliser cette première formation. Pourquoi est-ce que c’était important pour toi? Tiamiou : «Tout d’abord, je voudrais te remercier Géraldine et ton équipe d’avoir accepté de venir pour la première fois en Afrique de l’ouest, à un moment où le climat mondial n’est pas favorable… Ce projet était important pour moi et je tenais à ce qu’il se réalise, malgré les difficultés que j’ai pu rencontrer. Nous autres, africains, nous ne tirons pas assez profit de nos valeurs. La culture reste un moyen de revendication identitaire. Elle a ce rôle. Mais la culture est aussi un produit, une richesse, au même titre que l’agriculture, le pétrole ou les diamants. Aussi, il fallait faire venir des experts pour former, informer et montrer les enjeux de l’entrepreneuriat culturel aux africains. Il était nécessaire de confronter votre expérience à celle de nos entrepreneurs culturels locaux. » Géraldine : Quels sont les défis auxquels les entrepreneurs culturels et créatifs sont confrontés au Bénin? Tiamiou : « Le premier est la question de l’innovation aussi bien dans l’offre culturelle proposée, dans le management, le modèle d’affaires mais également dans la façon de financer ce type de structure. Le second est la question de la commercialisation : les produits culturels sont spécifiques et ils impliquent des modes de commercialisation particuliers. Et pour cela, les entrepreneurs doivent se former. Enfin, ces entrepreneurs sont confrontés aux enjeux de la croissance : comment permettre à ces organisations de perdurer dans le temps et à réaliser leurs ambitions? Géraldine : Ça y est, le voyage s’achève et nous repartons ce soir : que retiens-tu de ces 2 semaines de collaboration? Tiamiou : « Vous venez de réaliser deux semaines au Bénin. Et, vous nous avez acceptés avec notre richesse, nos faiblesses et nos forces. Et nous aussi nous vous avons acceptés avec les votre. Ce qui signifie que l’échange est possible et qu’en réalité il n’y a pas tant de différences entre nos cultures. On peut s’enrichir les uns des autres. Votre venue n’était pas utile que pour mon organisation, mais aussi pour tout le Bénin. Vous venez d’ouvrir un vaste chantier. Et, je souhaite que ce chantier prospère et se développe. Mais je suis convaincu, que dans quelques années, vous allez vous rendre compte que l’entrepreneuriat culturel dans notre pays, aura fait son petit bonhomme de chemin. »
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Créé il y a 9 ans, son fondateur a porté et fait vivre ce projet à bout de bras. Il n'en revient pas lui-même d'avoir réussi cet exploit : « c'est un miracle et une fidélité à un rêve ». Tout n'a pas toujours été rose... et parfois il a perdu la foi : il a failli accepter de vendre à deux reprises. Mais à chaque fois, il s'est ressaisi : « Être entrepreneur, c'est avoir une vision. Et, c'est être capable de pleurer seul dans sa chambre, mais de sortir et de sourire devant tout le monde. ». Quand il observe la situation dans son pays, il constate le besoin de plus de formation et d'une politique pour faciliter le développement des entrepreneurs. Car comme nombre de ses homologues, il est devenu chef d'entreprise de manière autodidacte et mu par sa seule ambition : « On parle de géant dans le pétrole, dans l'agro-alimentaire, la pharmacie... mais je n'ai jamais entendu parler de géant dans la culture : je veux être le premier géant de l'industrie culturelle en Afrique. ». Il sait que ce rêve est un peu fou... Mais c'est lui qui l'a fait tenir jusqu'à aujourd'hui. Car de la force de caractère, il lui en a fallu. A 13 ans, Emmanuel quitte sa famille et rejoint les enfants de la rue à Cotonou. Il aurait pu mal tourner, comme bon nombre de ses confères de l'époque. Mais il s'en sort, notamment grâce à l'art. Il a tout d'abord fait de nombreux petits métiers : il a tout vendu dans les rues de Cotonou. Il apprend ensuite le travail d'électricien mais il change rapidement de voie : il commence à jouer dans une troupe de théâtre. Cet art le passionne et lui permet de faire de belles rencontres. Notamment, sa route croise celle d'un artiste plasticien Laudamus Sègbo. Il a un atelier et qui prend Emmanuel sous son aile : il lui apprend comment fonctionne l'administration d'une organisation culturelle. Emmanuel, curieux et touche à tout, se lance aussi dans la réalisation de films et clips. En 2006, alors qu'il travaille en tant que directeur artistique pour les talentueux Frères Guèdèhounguè et qu'il sillonne avec eux les routes du Bénin, il prend conscience de la richesse de la culture béninoise mais du peu de visibilité dont elle bénéficie. Il a alors l'idée d'une plateforme sur Internet qui permettrait la promotion des artistes locaux. C'est aussi une façon pour Emmanuel « d'archiver » le contenu culturel : le papier se jette alors qu'avec un site Internet, il peut constituer une base de données des talents béninois et africains. Mais, la tâche est ardue : s'il commence à avoir un bon réseau dans le secteur culturel, il n'y connait rien en informatique et avoir un accès à Internet au Bénin peut constituer un vrai défis ! Il parle de son projet à un de ses amis qui est professeur d'informatique à l'Université. Quand Emmanuel explique son ambition à Jules Batonon, il sourit « Tu portes toujours des choses qui te dépassent! ». Mais il le soutient, et il crée gratuitement pour notre jeune entrepreneur de 22 ans la première version de Dekartcom.net. Pour financer le contenu du site Internet, Emmanuel développe ses activités en proposant des prestations de photographe et en créant en 2007 une agence de communication. Rapidement le site s'internationalise et l'agence DEKart couvre l'actualité culturelle de plusieurs pays africains : au Mali, Cameroun, Burkina Fasso... Puis, avec DEKart expo, l'agence met en avant dans les grands hôtels de Cotonou, des artistes locaux et prolonge dans « le réel » son objectif de donner de la visibilité au marché de l'art béninois. En 2013, il trouve un allier qui va l'aider à donner de l'ampleur à ses ambitions : Esckil Agbo, jeune journaliste et qui décide de renoncer à un emploi dans une grosse plateforme Internet avec un bon salaire, pour suivre Emmanuel dans ses aventures. Galvanisé et touché par cette preuve de confiance, le fondateur se lance de nouveaux défis. Il convainc la fondatrice d'Afropolitan Nomad Festival, Vanessa Kanga de réaliser la prochaine édition du festival à Cotonou. Cette organisation a été créée à Montréal en 2010 avec pour ambition de développer le rapprochement interculturel en amenant les artistes du monde entiers - et notamment québécois - dans les pays d'Afrique. Aussi, après Douala au Cameroun, Libreville au Gabon, il se déroule en aout 2016 à Cotonou sur la thématique de l'art engagé. Malgré de grandes difficultés financières, et en s'appuyant sur son large réseau l'Agence DEKart réussit à réaliser le festival avec un budget réduit, et à permettre la rencontre d'artistes québécois, belges, français, camerounais, maliens et béninois. En 2017, l'équipe va célébrer les 10 ans du site Internet et Emmanuel veut fêter cela : « Ne me demandez pas comment on va y arriver financièrement, mais cela se fera! On y arrive toujours... ». Quel message il a envie de faire passer aux entrepreneurs culturels au Québec ou en France ? « Venez à la rencontre de la culture béninoise. Venez nous dire comment vous réussissez et échanger avec nous sur comment nous nous en sortons. Nous avons besoin de partager nos pratiques, de créer une synergie. L'Afrique est le continuent actuellement à ne pas manquer ! Et, il est important que nous allions à l'école des uns et des autres. » |
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Septembre 2017
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